
Stéphane Bersier
Où l'intéressé joue au poète...
ADN
Dans ma grotte, il m'arrive de fermer les yeux
Et d'imaginer que je refais le chemin à l'envers,
De l'homme que je suis... désabusé, presque vieux,
Jusqu'au fœtus que j'étais, prêt à croquer l'Univers !
Mes brins d'ADN, dans un délice amoureux,
En une double hélice, s'assemblent deux par deux...
Dans ma grotte, ils puisent l'eau, les sels minéraux
Qui feront ma fragile chair et mes os....
Dans l'azote et le carbone, lentement ils façonnent
Mon cœur qui déjà dans ma poitrine résonne...
Dans l'hydrogène et le fer, ils forgent mes paupières
Qui déjà, ne songent qu'à accueillir la lumière...
D'une pincée de phosphore, ils achèvent alors
De donner des rêves au petit être qui dort...
« Oooh !............ Aaaaaaaaaaaah !............ »
Mes brins d'ADN, dans un doux ravissement,
Contemplent le tout, échangent moult compliments !
Alors, lentement... prudemment... j'ouvre les yeux.
Ah ?! Tiens ?!... Vous êtes là, vous aussi ? Curieux...
Dans mon souvenir, nous étions pas si nombreux...
De la compagnie ? Soit ! C'est bien plus chaleureux !
Pour débuter l'existence, quoi de plus merveilleux ?
Jungle
Phosphorescente et taboue,
Tapie dans l'ombre et la boue,
La jungle crépite et siffle.
Les corps humides et lascifs
Gémissent, prennent la pose,
Mollement, se décomposent.
Les oiseaux de paradis
Disent l'éternité
De la jungle abandonnée.
Mais déjà, dans le lointain,
Les bulldozers carnassiers
Agitent leurs crocs d'acier.
Et les oiseaux affolés
Tremblent, épouvantés,
Pleurent dans l'obscurité
La jungle blessée...
Y A QUELQU'UN ?
Vous avez peur de la nuit...
Le silence vous insupporte...
Vous voudriez sortir d'ici.
Vous enfuir de cette grotte...
Les yeux hagards, le teint blême
Face à face avec vous-même,
Vous restez seuls et tremblants
Dans la nuit... implorant :
« Ho ! Y a quelqu'un ?
Ho !Y a quelqu'un ? »
Moi, je ne crains plus la nuit.
Mais il n'en fut pas toujours ainsi...
Pendant longtemps je l'ai fuie.
Me réfugiant dans les villes
Aux cœurs bruyants et fébriles.
Écumant les bars de nuit.
Le teint blême. Seul et perdu.
Vociférant dans les rues :
« Ho ! Y a quelqu'un ?
Ho ! Y a quelqu'un ? »
Oui....Ici aussi, tu es seul.
Il n' y a rien ni personne
Que toi et le vide infini
Fait de silence et de nuit.
Mais garde-toi bien, l'ami,
D'en vouloir à ce silence
Et à la nuit que tu maudis.
Car les plus beaux silences
Sont ceux que l'on invite.
Et les plus belles nuits
Sont celles que l'on habite...
Si à l'un, tu refuses l'invite
Et de l'autre, refuses le gîte
Alors, ne t'en prend qu'à toi même...
Ni cette grotte, ni la nuit
Ni le silence, ni l'ennui
Ne sont tes ennemis...
